15 Juillet 2007
EXTRAIT | ||
Elle cherche à se calmer, à retenir les soubresauts du sang sous ses mains qui causent les tremblements. Trop tôt pour allumer une cigarette. La dernière à peine éteinte, mal écrasée. La combustion persiste encore à côté d’elle, au sol. Elle se figure le geste qu’elle pourrait accomplir pour la réduire, trop compliqué, trop chaud surtout pour décoller les jambes. Les doigts crispés aux lanières du tabouret, la respiration trop rapide. Rien ne justifie cette angoisse. Il suffirait de se laisser aller à la torpeur de l'après-midi, tourner la tête aux voitures qui passent, dodeliner aux chahuts des enfants, oser quelques minutes l’incongru d’une baignade. Qu’est-ce qui l’empêche ? Qui le saurait ? Rien que la voie à traverser. C’est peut-être l’odeur qui l’énerve, cette odeur qu’elle appréciait à son arrivée ici, le mélange de fleurs, d’iode et de palmiers. Une odeur qui gambade, vous invite. A présent, qui tempête. Elle ne s’en libère pas. Même les autres parfums, ceux plus sales sur sa peau, ne la débusquent plus. Elle s’en sent prisonnière. Elle ne supporte plus la sécheresse du chemin que l’air trop chaud comprime. Partout autour les arbustes génèrent l’émanation, si elle s’obstine elle deviendra cinglée. Elle voudrait se distraire mais il n’y a rien à faire. Rien d’autre à faire qu’attendre et se laisser investir par l’odeur détestée, par la vacuité du chemin, par les cris des gamins comme l’écho d’un échec. Elle change la position de ses jambes, qui se détachent l’une de l’autre avec une succion molle comme deux corps accolés. Jupe vulgaire, elle relève le mollet droit, les orteils mal colorés, les chaussures en plastique. Il ferait bon les enlever, plonger ses pieds dans l’eau. Des vagues ! Des vagues qui clapoteraient et caresseraient ses pieds sans rien exiger d’autre. Les gamins la regarderaient elle s’en foutrait. Elle resterait debout dans l’eau à contempler le miracle de ses pieds rafraîchis, respectés. Depuis qu’elle est ici (combien ? Quatre ans ? Trois ans ?), elle ne se souvient pas s’être baignée dans l’eau en plein après-midi, quand le soleil étouffe, quand il ferait bon échapper à l’odeur. En groupe parfois le soir, accompagnée des hommes et des filles des autres chemins, ils s’accordent des bousculades dans l’eau, des cigarettes sur la plage, des courses pleines de sueur et d’envies. Ce n’est pas pareil. Il n’y a pas d’innocence, pas de temps pour profiter. Il y a les jalousies des filles, les appétits des hommes, une violence qui perdure jusque dans les moments de détente... |
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